Transition énergétique : le discours à controverse du président de la COP28

Lors du dialogue de Petersberg sur le climat qui s’est tenu à Berlin les 2 et 3 mai derniers, le Sultan Al Jaber, président de la COP 28 a laissé entendre que le fossile avait encore un avenir. Ce qui a soulevé bien des réactions quant à son réel engagement en faveur du climat.

« Nous savons que les combustibles fossiles continueront à jouer un rôle dans un avenir prévisible pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux », a déclaré le Sultan Al Jaber, lors du dialogue de Petersberg sur le climat qui s’est tenu à Berlin les 2 et 3 mai derniers. Une déclaration qui a laissé perplexes bon nombre d’acteurs.

La position du Sultan Al Jaber, président de la 28ème Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations unies sur le Changement climatique (COP28), exprimée lors du dialogue de Petersberg sur le climat à Berlin au début de ce mois, a suscité la grogne du côté des activistes du climat et de l’environnement.

Le monde devrait « accepter certaines réalités » et s’engager dans une transition énergétique incluant « toutes les sources d’énergie » a-t-il souligné à l’occasion. Tout en affirmant que les combustibles fossiles ont encore leur place dans le système énergétique mondial. « Notre objectif devrait être de nous assurer que nous éliminions progressivement les émissions de tous les secteurs », a-t-il ajouté. Dans ce sens, il a demandé à ce que l’on se concentre sur les technologies permettant de capturer la pollution qui réchauffe la planète et qui provient du charbon, du pétrole et du gaz.

Pour réduire les émissions, Al Jaber mise sur les technologies « existantes, nouvelles et émergentes ». Les fervents défenseurs de la planète estiment ainsi que l’élimination progressive de la production d’énergies fossiles, soutenue par plus de 80 pays lors de la COP27 de Sharm El Sheikh en Egypte, ne figure pas dans ses priorités.

Conflit d’intérêts ?

Les réactions ne se sont alors pas fait attendre. Certains sont inquiets en évoquant un apparent retour en arrière sur les engagements climatiques. En effet, si en Egypte, plus de 80 pays ont adhéré à l’engagement en faveur d’une élimination progressive de la production de pétrole, de charbon et de gaz, l’Arabie saoudite et d’autres pays producteurs de pétrole et de gaz s’y sont opposés.

La directrice exécutive du Réseau Action Climat International, Tasneem Essop, qui n’était déjà pas en accord avec la nomination d’Al Jaber en tant que président de la COP28, n’a pas manqué de déclarer à CNN que les discussions et les résultats de la COP28 devraient être focalisés sur « un plan visant à mettre fin à l’ère des combustibles fossiles ». Aussi, est-il « préoccupant », selon elle, qu’Al Jaber puisse parler d’un « avenir prévisible pour les combustibles fossiles (et d’une) élimination progressive des émissions. Nous ne pouvons pas prétendre que les solutions à la crise climatique reposent sur des solutions techniques peu fiables et non testées qui entraîneront de nouveaux risques et de nouvelles menaces », a-t-elle alors insisté. Une position que vient renforcer le coordinateur régional de ce réseau pour les îles du Pacifique, Lavetanalagi Seru, qui a souligné le fait que « nous avons besoin de vraies solutions climatiques, et non de technologies spéculatives pour faire face à la menace existentielle du changement climatique ».

Du concret

L’appréhension des activistes climatiques semble tout à fait compréhensible. Les scientifiques étant unanimes sur la nécessité pour le monde de « tout mettre en œuvre pour que le réchauffement climatique ne dépasse pas 1,5 degré par rapport aux niveaux préindustriels ». D’autant plus qu’Al Jaber, qui supervisera la COP28 est un magnat du pétrole. Il est à la présidence de la société Abu Dhabi National Oil Company qui est l’un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde. Cependant, comme l’a fait remarquer la ministre fédérale allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, « les Émirats arabes unis sont le premier pays de la région à s’être fixé publiquement comme objectif d’atteindre la neutralité climatique,… Ce qui symbolise en un sens le passage d’une ère fossile à une ère renouvelable ».  

Le président de la COP28 a profité de cette rencontre à Berlin qui, selon le ministère allemand des affaires étrangères, réunissait « des ministres et d’autres participants de haut niveau de plus de 40 Etats de tous les continents pour préparer la COP28 à Dubaï », pour lancer son « but ultime » d’atteindre la neutralité carbone. Ses priorités étant de tripler les énergies renouvelables d’ici 2030, doubler la production d’hydrogène, développer l’énergie nucléaire et améliorer le stockage des batteries.

Il a également mis l’accent sur les financements et a appelé les pays riches à tenir leurs promesses à l’égard des pays vulnérables au changement climatique. « Si le monde ne met pas en place des mécanismes efficaces pour fournir des financements climatiques aux économies en développement et émergentes, celles-ci n’auront d’autre choix que de choisir une voie de développement à forte intensité de carbone. » a-t-il martelé.

Karina Zarazafy

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