Qui va le plus capturer des poissons et rentabiliser son activité ? C’est dans cet esprit que pêcheurs artisanaux et pêcheurs industriels se livrent à des conflits qui ont lieu en mer. « Une cohabitation malsaine dans laquelle les protagonistes se rejettent la responsabilité de qui détruit le plus les ressources marines » selon Razafindrakoto Daniel, président de la coalition nationale de la pêche et de l’économie bleue. Se définissant comme étant une activité de pêche utilisant des embarcations motorisées, pontées ou non-pontées, dont la puissance totale du moteur est comprise entre 15 et 50 CV (maximum), la pêche artisanale mobilise 85 000 pêcheurs éparpillés dans les zones côtières de la grande île. Le secteur contribue à hauteur d’environ 340 millions USD dans l’économie du pays et affiche une production de plus de 89 000 tonnes en 2021, selon l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM). La pêche industrielle quant à elle enregistrerait une production de 13 100 tonnes de poissons au niveau local avec ses 2 300 personnes mobilisées.
Bafouées
Bien que le gouvernement malgache ait interdit, via l’article 15 du décret N°2021-361 portant organisation de l’exercice de la pêche des crevettes côtières, aux chalutiers industriels de manœuvrer dans les eaux à moins de 3,7 km (2 miles nautiques) des côtes, les conflits entre ces deux acteurs majeurs subsistent. Aux termes de cet article 15 : « la zone de pêche autorisée pour la pêche crevettier industrielle commence au- delà de 02 milles marins à partir des lignes de base normale constituée par la laisse de basse mer, et tient compte des zones crevettiers biologiquement sensibles (ZCBS). La pêche dans les aires marines protégées légalement établies est strictement interdite. La pêche dans les baies est interdite sauf dispositions contraires prévue par les plans d’aménagement des pêcheries ». Les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la pêche et de l’économie bleue pointent du doigt « le non-respect des règlementations par certains pêcheurs industriels ». « Les pêcheurs traditionnels et artisanaux sont victimes lorsque les pêcheurs industriels ne respectent pas la limite légale de 2 miles », nous confie Razafindrakoto Daniel. Avec leurs équipements et embarcations, les pêcheurs industriels raflent tout sur le passage y compris les filets des pêcheurs traditionnels et artisanaux. À en croire le président de la coalition nationale de la pêche et de l’économie bleue, le non-respect des dispositions règlementaires serait facilité par la puissance économique et commerciale des entreprises propriétaires des chalutiers. « Comme ce sont de grandes sociétés, elles peuvent se permettre beaucoup de choses » se désole-t-il. Avant de lancer, en soupirant « cela n’est pas le cas pour les pêcheurs traditionnels et artisanaux qui n’arrivent pas à faire passer les messages sur la dangerosité de la situation.
Les « Goba » en danger
Les infractions commises par les pêcheurs industriels seraient le plus localisées dans les zones dites « goba ». Situées aux environs des trois à quatre mètres des littorales, ces zones servent de refuges aux bancs de crevettes et de petits poissons lorsqu’ils sont effrayés par quelque chose dans la mer. « Tous les pêcheurs savent cela et c’est dans ces zones que les pêcheurs traditionnels peuvent le plus capturé et rentabilisé leur journée de pêche », explique Rolland, un pêcheur de la côte Est du pays. La présence des embarcations industrielles dans ces zones constitue une menace pour la préservation et la régénération des espèces. Afin d’y faire face, les acteurs dans le secteur pêche préconisent de faire de ces « Goba » des aires marines protégées « afin de stopper les infractions commises par les navires industriels ». « Les Goba devraient servir de zone protégée » tonne avec fermeté Razafindrakoto Daniel. Pour de nombreux acteurs de la conservation des espèces marines, le fait pour le gouvernement d’avoir revu à la baisse la démarcation à 0,7 nautique, soit 1,3 km, dans la côte Est correspond à une mesure d’incitation adressée à l’endroit des navires industriels pour que ces derniers pénètrent les quelques 1,14 million de kilomètres carrés de zone de pêches maritime du pays.