Mobilité urbaine : repenser les déplacements dans le Grand Tana

Le Grand Tana étouffe. La capitale est exsangue à cause de sa propre croissance. La question de la mobilité est une préoccupation majeure.

Piétons, cyclistes, motards, scootéristes, automobilistes… cohabitent – pas toujours en synergie – dans le Grand Tana dont l’aire urbaine regroupe la moitié de la population urbaine du pays. La capitale compte environ 3,3 millions d’habitants et pourrait dépasser 6,2 millions d’habitants en 2035, contre 175 000 en 1950. Dans cet environnement géographique contraint par ses collines et des zones inondables, le dynamisme démographique, porté par d’importants flux de migrations internes, engendre de nombreux défis pour la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) qui administre l’aire urbaine notamment en termes de mobilité.

Missions

Circuler dans la Ville des Mille embouteillages est un enfer mais marcher ou enfourcher sa bicyclette le sont tout autant. Le Grand Tana est confronté à de grands enjeux de mobilité concomitamment à la croissance de la population. Les différentes études menées au fil des années mettent en relief les problématiques de la mobilité : transports en commun, accessibilité, finances… La croissance démographique entraine une forte demande de mobilité. Il n’y a quasiment plus d’heures de pointe, les transports publics sont constamment sous-tension.

L’offre de transport actuelle ne peut répondre à ces demandes, en dépit de projets récemment achevés ou en cours de développement pour diversifier l’offre de transport. Inaugurée en 2021, la rocade nord-est de la capitale a amélioré la situation en déportant du centre-ville une partie des flux routiers, notamment du trafic de transit, mais la congestion reste forte. L’étroitesse et l’encombrement de la voirie continuent aussi de ralentir les déplacements dans la capitale qui est le point de départ de la quasi-totalité des routes nationales du pays.

Complément

Aujourd’hui, l’essentiel de l’offre de transport tananarivien est fourni par 6 000 taxis-be (minibus) circulant dans le Grand Tana. Selon l’Association des Professionnels de l’Urbain de Madagascar (APUM), ils assuraient 72% des déplacements motorisés et 24% de l’ensemble des déplacements à Antananarivo en 2019. Ce qui représente 1,4 million de voyages par jour. En complément des lignes urbaines et périurbaines, des lignes régionales et nationales de taxis-be assurent la desserte de la plupart des régions depuis Antananarivo, à partir de neuf gares réparties sur le territoire de la CUA.

Le « parc » comprend aussi les taxis, les taxis-motos, les tuktuks et les cyclopousses… des moyens de déplacement qui restent peu réglementés. La voiture individuelle reste enfin un mode de transport marginal, dès lors que seulement 6% des ménages disposent d’un véhicule motorisé. Un projet pilote d’amélioration de deux lignes de taxi-be, financé par l’AFD et mis en œuvre par la Coopération pour la Mobilité Urbaine dans les Pays en Développement (CODATU), a démarré début 2023 pour initier une plus grande professionnalisation du transport informel.

« La pression démographique, le déficit d’infrastructures et d’offres publiques de transport, et l’enchevêtrement des compétences de régulation représentent ainsi de fortes contraintes pour la mobilité. Il en résulte d’importantes externalités négatives sur l’activité économique mais aussi en matière, d’émissions de CO2 ou de pollution atmosphérique », souligne une étude effectuée dans le cadre du partenariat MobiliseYourCity, une initiative pour la planification intégrée du développement urbain dans les pays émergents et en développement, dans le cadre du Partenariat des Nations Unies à Marrakech pour l’Action Mondiale pour le Climat.

Orientations stratégiques

Un Plan de Mobilité Urbaine Durable (PMDU) pour le Grand Tana est vital pour penser au présent et au futur des déplacements. « Le PMUD n’est pas un plan de transport mais un document qui permet de décliner sur le long terme les visions sur la mobilité. C’est une manière d’organiser les espaces », explique Pablo Salazar-Ferro, chef de projet.  

La construction de ce PMDU s’organisera autour de quatre grandes missions : l’initialisation du processus, le diagnostic, les objectifs stratégiques et scénarios et le plan d’action. « Les PMUD sont des documents multimodaux qui mettent en relief les orientations stratégiques pour la mobilité à travers une planification sur un horizon comprise entre 15 et 25 ans dans le périmètre du Grand Tana », soutient le commissaire Albert Estel Ainanirina, directeur des Transports et de la mobilité urbaine (DTMU) au sein de la Commune urbaine d’Antananarivo. La Commune urbaine d’Antananarivo est le maître d’œuvre de ce projet d’envergure. Le consortium composé de Transitech, de DVDH et de Suez est le responsable technique du projet.

Données

Afin d’établir un diagnostic précis, une série d’enquêtes a été menée par le cabinet ATW Madagascar. Ces enquêtes permettront de recueillir et de les analyser des données, de réaliser le diagnostic et de renforcer des capacités. « Les enquêtes ont été effectuées en trois temps : l’enquête ménage déplacement, l’enquête comptage véhicules classifiés et fréquence occupation véhiculaire et l’enquête cordon », développe Andrianina Rakotoarimanana, chef de mission au sein d’ATW.

2 000 ménages ont été enquêtés avec une estimation d’environ 3,5 répondants en moyenne pour les enquêtes de déplacement. En ce qui concerne l’enquête sur l’origine et la destination du transport individuel, un échantillon de voitures, motos et taxis a été arrêté sur le bas-côté pour interroger les passagers sur leur origine et leur destination, ainsi que quelques questions portant sur le volet socio-économique. Près de 1 000 enquêtes dont 200 enquêtes par point et 100 par sens ont été menées. Ces données d’envergure déboucheront ultérieurement sur un plan d’action entrant dans le cadre du PMDU.

Cette série d’enquêtes entre dans l’initiative Mobilise Your City (MYC) qui a été lancée par l’Agence française de développement (AFD), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ADEME, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), la CODATU et la GIZ (l’agence de coopération internationale allemande pour le développement) afin d’encourager les politiques d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dues à la mobilité urbaine dans les pays en développement tout en améliorant les conditions de déplacements des populations.

L’enjeu de la santé est également en ligne de mire pour la Ville des Mille. Cette problématique de l’environnement a tendance à être occultée par les enjeux considérable d’accessibilité. A Madagascar, le taux de motorisation est encore faible, mais les niveaux de pollution peuvent être élevés sur des axes très fréquentés, en raison de l’âge des véhicules en circulation et de la qualité des carburants utilisés.


Série Mobilité urbaine et environnement (cliquez sur la photo pour lire les articles)

Raoto Andriamanambe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

S'abonner à notre newsletter