Durant douze ans, Chiara De Gregorio, une chercheuse de l’université de Turin, a étudié avec quelques collègues les productions sonores des lémuriens des forêts tropicales de Madagascar. L’objet de leurs études ? Le chant de l’indri (Indri indri). Ce primate est le plus grand lémurien vivant. Il vit en famille dans la canopée, où il se nourrit de feuilles, de fruits et de graines.
Durée et qualité
Les scientifiques ont découvert que les indris chantent en chœur en utilisant des intervalles réguliers entre les sons pour créer des rythmes ou des cadences constantes (isochronie). Fait surprenant : l’isochronie n’avait pour l’instant été détectée chez aucun autre mammifère que l’homme. L’étude a été publiée en 2021 dans Current biology et synthétisée dans un article paru le 25 juin dans les Annals of the New York Academy of Sciences. Les auteurs y détaillent les cris lancés pour retrouver des membres de la famille, pour revendiquer des parcelles de forêt ou pour se livrer à des « batailles vocales » avec des voisins des motifs et des durées dotés des qualités que l’on trouve dans la musique humaine.
Animal emblématique
En pratique, les humains utilisent beaucoup ce rythme, avec des notes deux fois plus longues que d’autres, selon Andrea Ravignani, co-auteur de l’étude et biomusicologue à l’Institut Max Planck de psycholinguistique aux Pays-Bas, donne comme exemple We Will Rock You de Queen. Chiara De Gregorio, primatologue à l’université de Turin, décrit dans sa recherche la tendance de ces animaux à chanter en harmonie en duo, voire même en chœur de plus de deux individus.
Les animaux chantent pour retrouver des membres de leur famille dont ils ont été séparés ou pour revendiquer des parcelles de forêt. Les indris terminent parfois leurs chants par un « ritardando », un passage musical pendant lequel ils ralentissent progressivement, comme cela se fait dans la musique classique. Le « babakoto » est un animal emblématique des forêts de l’Est. Il est classé « espèce en danger critique d’extinction » depuis 2012.