Interview de Thierry Vircoulon, ancien haut fonctionnaire et chercheur associé à l’IFRI : « Il est impératif de réévaluer l’architecture de paix et de sécurité »

Le 5 novembre dernier, Thierry Vircoulon, un ancien haut fonctionnaire et chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (IFRI), a donné une conférence intitulée : « L'architecture de paix et de sécurité en Afrique : fin ou éternel recommencement ? » Au cœur de ce débat, l’expert est revenu sur ce concept stratégique. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus.

Bleen : Vous avez décrit l’architecture de paix et de sécurité en Afrique comme un concept stratégique. Pourquoi ce cadre a-t-il été établi et quels en étaient les objectifs ?

Thierry Vircoulon (T.V.) : L’objectif initial était de créer un dispositif collectif capable d’anticiper les crises et de fournir des réponses coordonnées. L’Union africaine et les communautés régionales africaines ont travaillé conjointement pour construire cette architecture, espérant qu’elle apporterait une stabilité accrue au continent. Cependant, des défis notables sont apparus, notamment en matière de cohérence et d’efficacité de son déploiement.

Vous avez mentionné une « nouvelle vague de menaces ». À quoi faites-vous référence, et en quoi ces menaces impactent-elles cette architecture ?

T.V. : Nous assistons en effet à une intensification des conflits complexes, comme les insurrections djihadistes dans le Sahel, les guerres civiles en Éthiopie et au Soudan, ainsi que des tensions persistantes au Tchad, au Mozambique et en Somalie. Ces crises affectent profondément la stabilité des États concernés et remettent en cause l’efficacité des dispositifs de paix traditionnels, souvent peu adaptés à la réalité de ces menaces modernes.

Compte tenu de ces défis, pensez-vous que l’architecture de paix et de sécurité africaine est encore pertinente aujourd’hui ?

T.V. : C’est une question cruciale. Il est clair que ce modèle a révélé des limites, d’autant plus visibles avec la multiplication des conflits intra régionaux et des rivalités entre États. Les structures actuelles semblent en effet dépassées et ont du mal à s’adapter aux nouvelles dynamiques sécuritaires du continent, notamment à cause de la compétition croissante entre certains États, qui limite les possibilités de coopération.

Quelles pourraient être les alternatives pour faire évoluer cette architecture ?

T.V. : À mon sens, il est indispensable de revoir nos approches en se basant davantage sur des initiatives locales et flexibles, adaptées aux contextes spécifiques des différentes régions africaines. Renforcer les capacités des États et améliorer la coordination avec les acteurs locaux pourraient également conduire à des réponses plus efficaces et durables face aux crises.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux décideurs africains présents et futurs ?

T.V. : Il est impératif de réévaluer l’architecture de paix et de sécurité en tenant compte des nouvelles réalités du continent. Cela passe par une prise de conscience collective et des efforts coordonnés pour élaborer des solutions résilientes, capables de faire face aux défis de demain.

Ny Ando Maherinirina, Loïc Heriniavo Randriamamisoa, Mandimbisoa Emilie et Aina Ralibera 

(stagiaires de la rédaction dans le cadre de la formation Jeunes Reporters Francophones)

📸 © Ifri

La rédaction Bleen

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