Grand reportage – Aire protégée d’Ambodivahibe : quand la conservation développe la filière « pêche »

Les rendements de la pêche sont intimement liés à l’équilibre écologique. Les actions de conservation ont permis aux pêcheurs d’Ambodivahibe de développer cette filière.

La lumière dorée du soleil se reflète sur l’eau turquoise de la baie d’Ambodivahibe. C’est une merveille et un vrai paradis marin. Le corridor marin des 7 baies, situé au large d’Antsiranana, est un univers aquatique fascinant, où les racines aériennes des palétuviers – telles des œuvres d’art – sont en parfaite symbiose avec la grâce des oiseaux qui s’y abritent et le silence majestueux qui y règne. Les pêcheurs y trouvent ainsi leurs marques. Depuis quelques années, la pêche y est (re)devenue miraculeuse.

L’aire marine protégée d’Ambodivahibe se situe dans la province Antsiranana, région Diana  (© FAPBM)

Habitats

De nombreux pêcheurs améliorent nettement leur quotidien depuis que la conservation de cette aire protégée a été placée au cœur des activités de cette communauté. Le corridor marin des 7 baies est une nouvelle aire marine qui s’étend sur 149 000 ha. Elle est célèbre pour ses paysages spectaculaires et sa richesse en termes de faune et flore. Outre les mangroves, ce trésor naturel abrite également des récifs coralliens, des zones d’herbiers, des plages, des côtes rocheuses ou encore les îlots, qui constituent des sites de nidification, des zones nourricières, ou des dortoirs pour des espèces endémiques telles que les tortues marines et les poissons récifaux. 

Cependant, des années de surpêches, de pêches hors saisons, de coupes sélectives des palétuviers et les affres du changement climatique ont peu à peu eu raison des espèces marines de cette zone entraînant la chute des récoltes de poissons pour les communautés qui vivent essentiellement de ces ressources halieutiques.

Ambodivahibe est caractérisé par des habitats spécifiques à l’écorégion marine et côtière : les récifs coralliens, les mangroves, les zones d’herbiers, la plage, les côtes rocheuses et les îlots  (© Bleen)

Sites de nidification

La conservation de l’environnement dans cette zone est devenue une nécessité pour assurer le maintien de la qualité de vie de la population. Pour remédier aux conséquences de la dégradation environnementale induite par les diverses pressions que subit par cette aire marine, des actions ont été mises en place par Conservation international ainsi que les communautés locales, qui en sont les co-gestionnaires, avec le soutien financier de la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar (FAPBM)

La conservation s’est principalement concentrée sur les sites de nidification, les zones nourricières, les aires de développement et les dortoirs de plusieurs espèces notamment les tortues marines, les sternes, la chauve-souris, les crustacées, les poissons récifaux, les mollusques et les échinodermes, qui sont pour la plupart adaptés à une forte salinité de l’eau.

Une communauté autour de l’aire protégée marine vit presque exclusivement des activités de la pêche. Sa condition de vie s’est largement améliorée ces dernières années  (© Bleen)

Retombées

La prise de conscience par les communautés et l’application des programmes de conservation ont permis de renverser peu à peu la situation problématique du Corridor des 7 baies. « L’on peut trouver ici les plus hautes mangroves de Madagascar. Les plantes peuvent atteindre les 15 mètres, » nous explique Gaëtan Armel Soakansina, représentant local de Conservation international dans le secteur Fiherena qui comprend les villages d’Irodo, d’Ankonera, de Tanambaon’Ankeriky, de Benetsyet del’estuaire de mangroves d’Irodo. « Cette croissance exceptionnelle s’explique par l’existence de l’embouchure du Vavan’Irodo qui procure des apports nutritifs importants aux palétuviers mais les efforts de conservation qui ont été menés ».

Aujourd’hui, près de 6 000 pêcheurs sont bénéficiaires de ces retombées positives. A titre d’exemple, les fermetures périodiques de la pêche aux poulpes ont considérablement amélioré la productivité aussi bien en termes de quantité que de qualité. Les produits récoltés par les membres des associations de pêcheurs sont collectés par des sociétés telles que Sahanala Pêche, qui se chargeront par la suite de les écouler sur les marchés local et international.

Ce système valorise non seulement le produit mais aussi la pratique « durable » de la pêche. « La concurrence entre les sociétés améliore le niveau de vie des pêcheurs. En effet, auparavant, les collecteurs achetaient les poulpes entre 3 000 et 5 000 Ariary le kilo. Depuis notre arrivée, cette valeur est montée jusqu’à 10 000 ariary », nous partage Thierry Pradel Andriamparany, coordonnateur de projet Pêche au sein de la société Sahanala.

Le renard volant de Madagascar (à g.) ainsi que 33 espèces d’oiseaux, dont 2 en danger et 1 vulnérable, peuplent ces écosystèmes uniques et riches   Bleen)

Résultats tangibles

Les pêcheurs en tirent des revenus conséquents qu’ils peuvent réinvestir dans l’achat de matériels ou dans l’éducation de leurs enfants. De manière indirecte, plus de 20 000 personnes bénéficient des impacts des actions de conservation menées par les communautés et Conservation international, réparties sur 5 sites. Quand la conservation est bénéfique aux communautés, les résultats sont souvent tangibles.

 « Tous les modèles de conservation qui fonctionnent s’orientent et s’articulent autour des communautés. Le challenge auquel nous faisons face se base autour d’elles. Pour protéger la biodiversité nous devons nous occuper des communautés. La FAPBM contribue grandement à leur développement économique à travers le financement des activités génératrices de revenu telle que la pêche », conclut Alain Liva Raharijaona, Directeur Exécutif de la FAPBM.

Raoto Andriamanambe

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