« Briser le cercle vicieux de la malnutrition et de la pauvreté » : une équation impossible

À Madagascar, des millions de familles luttent chaque jour pour accéder à une alimentation saine. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) estime qu'un ménage doit débourser 9 000 ariary par jour pour garantir une nutrition adéquate. Mais pour 36 % des ménages malgaches, ce montant est bien trop élevé, exacerbant une crise alimentaire qui touche durement les régions les plus vulnérables.

9 176 ariary par jour pour un ménage composé de cinq personnes pour une alimentation idéale et adéquate alors qu’une alimentation journalière qui ne couvre uniquement que les besoins énergétiques coûterait la moitié de ce prix : 4 096 ariary par jour pour un ménage composé également de cinq personnes. Ce sont les chiffres qui sont ressortis de l’enquête réalisée dans le cadre du processus « combler le déficit en nutriments » ( Fill the Nutrient Gap).

Une vie et un combat

Dans les rues d’Ankadifotsy, Lalao, vendeuse de rue, exprime un sentiment partagé par des millions de Malgaches. « Quand on nous dit que 9 000 ariary suffisent pour une bonne alimentation, ça me fait rire et pleurer, lâche-t-elle. C’est le salaire d’une journée pour certains. Comment peut-on dépenser cette somme uniquement pour manger, alors qu’il y a aussi le loyer, les vêtements, les frais de scolarité ? »

À quelques rues de là, Richard Ralison, ouvrier dans la construction, se contente souvent de riz et d’un tout petit peu de sauce en accompagnement, pour son repas du midi. « Je gagne un peu moins de 7 000 ariary par jour. 9 000 ariary pour une alimentation équilibrée me parait impossible », confie-t-il. Une mère de trois enfants témoigne : « Chaque jour, je dois choisir entre acheter du riz ou des légumes. Ce n’est pas une vie, c’est un combat. »

Une situation qui se dégrade

La réalité est cruelle et paradoxale : malgré les ressources naturelles abondantes à Madagascar, l’accès à une nourriture nutritive est devenu un luxe. Une vendeuse de légumes confie : « Avant, je pouvais acheter un peu de viande pour mes enfants, mais aujourd’hui, je me contente de brèdes. Les clients me disent souvent qu’ils n’ont même pas les moyens de m’acheter un kilo de tomates. » 

L’inflation a atteint 7,8 % entre août 2023 et août 2024. Ce qui a fait grimper en flèche le prix des denrées alimentaires, comme le riz (+5,2 %) et d’autres produits de première nécessité (+6,3 %). Dans le grand Sud, 86 % des ménages n’ont pas accès à une alimentation équilibrée, et selon l’Institut National de la Statistique (INSTAT), la situation ne cesse de se dégrader.

Scénario

« Dans le Grand Sud, la diversité alimentaire est presque inexistante. Les populations n’ont accès qu’à des aliments énergétiques, mais pas nutritifs. Une alimentation équilibrée coûte presque le double d’une alimentation de base », avertit le docteur Njaka Ramalanjaona, responsable du programme nutritionnel du PAM.

La malnutrition affecte 42 % des enfants malgaches, ce qui entraîne retard de croissance et faiblesse de productivité. « Une mauvaise nutrition ne touche pas seulement les individus, mais tout le pays », souligne le responsable du programme nutritionnel du PAM. Face à cette crise, l’organisme onusien, en collaboration avec l’Office National de Nutrition (ONN) et l’UNICEF, a organisé un atelier, les 14 et 15 novembre derniers pour explorer des pistes de solutions notamment l’agriculture sensible à la nutrition, les transferts monétaires et l’alimentation scolaire font partie des scénarios étudiés pour améliorer l’accès des familles malgaches à une alimentation équilibrée. « Le FNG s’appuie sur des outils de modélisation, en proposant des scénariis d’intervention », explique Outman Badaoui, le chef des Programmes du PAM à Madagascar.

Stratégies

« Nous devons prioriser des solutions durables, adaptées au contexte local. L’objectif est de briser ce cercle vicieux de malnutrition et de pauvreté », exhorte Fanja Razafimahatratra, responsable au sein de l’ONN. Cette crise, bien que vécue comme une urgence immédiate, risque d’avoir des conséquences durables sur l’éducation et l’économie, limitant ainsi le potentiel du pays pour les générations futures.

Cependant, les participants à l’atelier ont reconnu que les défis restent colossaux. « Ce n’est pas seulement une question de coût. C’est une question d’accès, d’éducation et d’infrastructure. Les familles doivent comprendre pourquoi une alimentation équilibrée est essentielle pour le développement des enfants et la santé des adultes », ajoute Njaka Ramalanjaona.

Les parties prenantes se réuniront de nouveau en 2025 pour définir des stratégies afin de combattre l’insécurité alimentaire. Mais comme le souligne le responsable du programme nutritionnel du PAM, « le changement est possible, à condition de s’unir pour garantir un accès équitable à une alimentation nutritive. »

Stagiaires de la rédaction dans le cadre de la formation Jeunes Reporters Francophones

La rédaction Bleen

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