Pour la FAPBM, quels ont été les faits marquants pour l’année 2023 ?
Alain Liva Raharijaona (A.L.R.) : Les nouvelles sont plutôt bonnes. Comme l’ensemble des gestionnaires des aires protégées, nous nous sommes préparés au pire. Néanmoins, mise à part quelques points de feux de forêt, nous avons eu relativement peu de perte de biodiversité par rapport à l’appréhension initial. Il faut souligner la bonne préparation des gestionnaires des aires protégées.
Vous avez abordé cette question des gestionnaires que vous appuyez. Sommes-nous proches d’un sevrage financier ou sont-ils toujours fortement tributaires de la FAPBM ?
A.L.R. : Vous abordez la question du financement. Le sevrage est encore loin. Les besoins financiers pour l’ensemble des 123 aires protégées restent énormes. Dans les autres pays, les aires protégées sont financées par trois moyens : les subventions étatiques, les visites touristiques et les subventions de fondations, comme la FAPBM.
L’Etat manque de moyens, les aires protégées malgaches ne peuvent donc pas bénéficier de fonds. Les revenus touristiques ne sont pas suffisants. Même en 2019, ils étaient insuffisants par rapport aux besoins.
Aujourd’hui, les financements montent à combien ?
A.L.R. : Il faut savoir que les 70 aires protégées que nous finançons représentent près de 6 millions d’hectares. Cette année 2024, nous serons aux alentours de 26 milliards d’ariary de financements. Ce développement est important car en 2022, nous étions à 14,4 milliards d’ariary et en 2023 à 21,8 milliards Ar.
A quelles fins ces financements seront-ils utilisés ?
A.L.R. : Le fonds octroyé aux gestionnaires des aires protégées leur permettra d’assurer les charges de fonctionnement, comme les salaires des experts et des communautés sur le terrain par exemple et les autres activités les activités liés à la conservation et aux développement communautaire. Entretenir et protéger une forêt coûtent cher. Grâce à cet appui financier, les gestionnaires arrivent à limiter les pressions au niveau des aires protégées.
Un chiffre pour illustrer mes propos : la moyenne nationale de taux de déforestation est à peu près 1,5 %. C’est-à-dire que, tous les ans, Madagascar perd 1,5% de forêts. Dans les aires protégées que la FAPBM financent, ce taux est de 0,67%. Certes, la déforestation existe toujours mais elle est largement moindre comparée aux autres zones. Le financement des aires protégées est un levier qui fonctionne. Rappelons que la protection de la biodiversité est un des challenges auxquels nous faisons face. En ce qui concerne les communautés, je dois admettre que nous devons encore faire un effort. Jusqu’ici, nous étions focalisés sur la protection de la biodiversité, mais pour ce faire, nous devons aussi nous occuper des communautés.
En raison des contraintes auxquelles elles sont confrontées, elles pénètrent parfois dans les aires protégées pour couper du bois, par exemple. Aujourd’hui, la FAPBM fait également des efforts pour appuyer ces communautés.
La conservation de la biodiversité malgache est-elle suffisamment soutenue actuellement ?
A.L.R. : Les besoins de financements se situent entre 50 et 70 millions de dollars par an. Aujourd’hui, tous bailleurs confondus, à peu près 20 millions de dollars sont disponibles. Il y a donc un gap de financements important. Les gestionnaires font tout leur possible pour protéger la biodiversité et pour appuyer les communautés mais ils n’ont pas toujours les moyens.
Il faut constater que tous les ans nous continuons à perdre de la biodiversité à Madagascar. Dans ce sens, nous ne pouvons que freiner cette perte. Mais jusqu’où est-ce que cette situation va-t-elle aller ? Nous n’avons pas de visibilité sur cela. Pour le moment, nous assumons partiellement le rôle de pompiers, cherchant à prévenir l’aggravation de la situation.
2024 sera-t-elle une année de transition ?
A.L.R. : Je ne pense pas qu’il faille s’attendre à ce que 2024 soit une année de rupture. Nous avons mis en place un certain nombre d’outils incluant la lutte contre les feux de forêts. Nous sommes en train de perdre des dizaines de milliers d’hectares de forêts tous les ans. Nous devons arrêter ce phénomène et chaque jour compte. Nous avons réussi à mettre en place des unités d’intervention contre le feu dans des aires protégées.
C’est le défi le plus important lorsque nous parlons de biodiversité car une forêt met plus de 100 ans à se reconstruire. Or, elle est l’habitat d’une extraordinaire faune et flore, d’écosystèmes primordiaux pour les économies locales et national. Aussi, nous devons continuer à faire de notre mieux pour préserver cette précieuse biodiversité. Lorsque je dis «nous», il s’agit de l’ensemble des parties prenantes. Il est important d’accompagner les gestionnaires et les communautés et de créer un contexte favorable aux investissements en faveur des aires protégées.