Qualifié d’historique, l’accord de pêche thonière conclu entre Madagascar et l’Union européenne n’est en fait ni tout blanc ni tout noir.
Si les deux parties ont pu se mettre au diapason sur plusieurs points, elles ont eu du mal à s’aligner sur d’autres. Notamment, sur la résolution 23/02 de la Commission des Thons de l’Océan Indien (CTOI) relative à la gestion des dispositifs dérivants de concentration de poissons (DCP) dans la zone de compétence de la CTOI. Le DCP étant une technique longtemps utilisée par les pêcheurs, aussi bien artisanaux qu’industriels, et qui consiste à former un radeau à partir d’un assemblage d’objets flottants que l’on prolonge sous l’eau avec des filets et ou des cordages. Ce, dans l’objectif d’attirer et de concentrer le plus de poissons. La Grande île soutient la résolution en question dans la mesure où, selon elle, celle-ci vise « la réduction des efforts de pêche en limitant le nombre de dispositifs de concentration de poissons dérivants ou DCP et instaure une période de fermeture de 72 jours afin de restaurer le stock de thons jaunes, big eye et skipjack ».
Divergente
De son côté, l’Union européenne (UE) s’y oppose. Interrogée sur cette position, l’Union note : « Elle (la résolution) introduit des dispositions qui ne sont pratiquement pas applicables ou qui, si elles sont mises en œuvre, entraîneraient une charge disproportionnée pour les flottes de senneurs à senne coulissante opérant dans la zone, sans aucun avis scientifique spécifique pour les soutenir ». A travers cet accord, les deux parties se sont néanmoins engagées sur quatre ans pour « une utilisation durable des ressources biologiques marines » dans les eaux malgaches. Un accord qui marque, selon l’Ambassade de France, la volonté de chacune « d’améliorer la gouvernance des pêches, la gestion durable des ressources, la lutte contre la pêche illicite, la promotion de la transparence, le renforcement des écosystèmes marins et le développement durable du secteur de la pêche ».
Assurance
Dans son explication, l’UE précise que « cette objection n’est en aucun cas un refus de meilleures règles pour la gestion des DCP ». Prenant en compte la contribution aux débris marins et l’efficacité importante des méthodes de pêches liées aux DCP, l’Union aurait « présenté à plusieurs reprises des propositions qui vont dans le sens d’un renforcement des mesures de gestion des DCP dérivants à la Commission des Thons de l’océan indien ». Se voulant rassurante, l’institution se dit également être « attachée à la durabilité des stocks et à la bonne gestion des Dispositifs dérivants de Concentration de Poissons dans tous les océans, y compris dans l’océan Indien ». Elle avance donc sa volonté à « soutenir la gestion durable des stocks de thons tropicaux qui sont l’objet de la pêche visée par l’Accord avec Madagascar ».
Déjà en vigueur, l’accord de pêche entre Madagascar et l’UE continue de soulever beaucoup d’interrogations. Tant les termes du précédent accord ainsi que sa mise en œuvre étaient particulièrement problématiques pour les acteurs locaux. Sans oublier le fait que les négociations de ce nouvel accord avaient grandement traîné. S’intéresser à ses tenants et aboutissants serait ainsi d’une parfaite légitimité afin d’asseoir plus de transparence dans la gestion et la gouvernance des ressources. Un pas que les parties prenantes se sont efforcées de faire malgré les difficultés techniques inhérentes à la nature migratrice du produit qu’est le thon et sur lequel porte cet accord.