Max Fontaine : « Oui à la transition énergétique, mais sans sacrifier notre développement »

Madagascar a participé à la Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ou COP 27 de Sharm El Sheikh - Egypte, en Novembre 2022. La délégation malgache, qui était composée d’une soixantaine de personnes, avait pour mission de « Présenter et défendre les intérêts de Madagascar» ; « Présenter les différentes initiatives effectuées par le Gouvernement de Madagascar dans la lutte contre les effets néfastes du changement climatique »; « Renforcer la visibilité de Madagascar », et « Suivre l’évolution des négociations sur le climat ». Faisant partie de cette délégation, Max Fontaine, fondateur et CEO de Bôndy nous partage sa vision de la COP et les retombées que ces conférences pourraient avoir sur Madagascar.

Bleenmada.com : En tant que membre de la délégation malgache à la COP 27, pourriez-vous nous donner vos appréciations quant à cette COP ? Qu’a pu gagner Madagascar durant ces négociations ?

Max Fontaine (MF): C’était la COP de l’Afrique et la COP de la jeunesse. Je pense qu’il est difficile de voir comment à l’échelle d’un pays on peut gagner individuellement étant donné qu’il s’agit d’un accord multilatéral. Après, il y a des pays qui arrivent vraiment à s’en sortir mais pour ce faire, ils ont dû beaucoup investir. L’on parle entre autres d’investissements à hauteur de plusieurs millions de dollar dans les kiosques et la visibilité. Ce n’est que là qu’on peut attendre un retour sur investissement.

Sinon, il y a quand même le fait que Madagascar ait pu être éligible au Global Shield qui est une assurance aux risques climatiques. Je sais que la CPGU a été très active et je pense qu’ils ont ramené pas mal de partenariats et de fonds à l’échelle publique. Après, au niveau du privé, les jeunes qui étaient là-bas y étaient certes pour représenter Madagascar mais il y avait également l’aspect « nouer des partenariats ». Ce qui est non négligeable même si ce n’est pas à l’échelle publique mais plutôt à l’échelle de projet et de partenariats privés.

Bleenmada.com : Pour le cas de Bôndy en particulier, avez-vous pu obtenir des partenariats qui aillent dans ce sens ?

MF: Nous n’avons pas noué de nouveaux partenariats. Cette COP nous a cependant permis de renforcer nos liens avec des partenaires existants. Et c’est toujours bien de pouvoir se rencontrer à nouveau physiquement. Cela raffermit les liens et puis c’était également une opportunité pour nous de montrer notre modèle, nos innovations, ainsi que nos impacts aux yeux du monde. Parce qu’au final, aux yeux de la COP c’est aux yeux du monde. Et moi, j’ai personnellement été invité en tant que panéliste dans 2 conférences et cela nous a donné une bonne visibilité. En fait, dans notre philosophie, la COP ne doit pas devenir un Climate Business Week. Malheureusement, c’est en train de le devenir et je trouve que c’est dommage.

Bleenmada.com : Pourquoi dites-vous que la COP est en train de devenir un Climate business week et en quoi cela est-il « dommage »?

MF: Parce qu’il y a déjà beaucoup de Climate business week. Cela ne s’appelle pas forcément comme cela mais les entrepreneurs et les gens qui sont dans le secteur privé autour de l’entrepreneuriat vert et des projets climatiques peuvent déjà se voir dans beaucoup d’endroits. Il y a déjà plusieurs forums à New York, à Séoul, en Afrique … mais la COP, à la base, c’est la Conférence des Parties. C’est là où on est censé trouver des accords multilatéraux, c’est là où les pays se réunissent pour trouver des solutions globales, là où on essaie de voter des lois qui sont contraignantes pour tous les pays du monde. Moi, de ce que j’ai pu voir rien qu’en deux COPs et de l’évolution et de l’expérience que j’ai pu entendre de personnes qui ont participé à 15 ou 20 COPs, c’est qu’avant, la COP, c’était vraiment pour négocier multilatéralement sur le climat. Maintenant, je pense que ¾ des gens qui sont là-bas, c’est pour le business et ¼ seulement veulent vraiment s’impliquer dans les politiques publiques.

Bleenmada.com : La COP27 n’a pas abouti à des solutions en ce qui concerne les émissions de Gaz à Effet de Serre, plus particulièrement en ce qui concerne l’utilisation de l’énergie fossile. En tant qu’entrepreneur vert et si on parle toujours du cas de Madagascar en particulier, qu’est-ce que cela implique pour Madagascar, notamment sur le plan énergétique ?

MF: Sur les émissions, c’est un échec total. 2022 a battu des records en termes d’émission mondiale. On a passé les 8 milliards d’habitants et ce n’est pas normal qu’on n’arrive pas à s’entendre pour inverser la tendance sachant qu’on va droit dans le mur mais on continue quand-même à foncer dedans. Il faut savoir aussi que le lobby pétrolier et du gaz était plus grand que la plupart des délégations présentes. On ne peut donc pas s’étonner qu’il n’y ait pas eu d’accord sur les émissions. Les plus grands stands et kiosques, c’étaient Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unies… Quand il y a des pays qui ont tant d’influences dans des conférences comme celles-là, c’est clair que cela va être difficile d’arriver à un accord qui va permettre de réduire les émissions.

C’est mon avis en tant que citoyen mais pas forcément mon avis en tant qu’entrepreneur vert.

La plupart des pays ne respectent les Accords de Paris. Les 1,5 degré, moi je n’y crois même plus. Donc, il n’y a aucun justificatif, il n’y a aucune excuse.

Pour l’énergie, bien sûr, Madagascar doit aller sur une transition énergétique. Je suis à 100% d’accord là-dessus. Cependant, Madagascar doit d’abord aussi s’industrialiser, Madagascar doit nourrir ses enfants, Madagascar doit se développer. Et quoiqu’il arrive, il faudrait vraiment se rendre compte qu’en Afrique, le modèle de développement sur lequel on s’engage, c’est le modèle de développement sans précédent. Comparé à comment les autres continents se sont développés, notre développement sera beaucoup moins dépendant aux fossiles mais il ne faut pas nous contraindre non plus aux mêmes obligations que les pays qui sont déjà très développés et qui y sont arrivés sur le dos des ressources naturelles. Donc, bien sûr, on va aller sur la transition énergétique mais on ne va pas non plus sacrifier notre développement pour cela et pour moi, c’est cela la justice climatique.

Bleenmada.com : Justement sur ce point, à votre avis, de combien d’années les pays comme Madagascar, et les pays Africains en général, disposent-ils pour pouvoir passer ce cap de l’industrialisation par les ressources naturelles, notamment par le fossile, pour aller vers l’industrialisation verte ? Sachant qu’une intervenante durant cette COP a mis l’accent sur cette industrialisation verte pour les pays vulnérables. 

MF: Cela relève à mon avis d’une volonté politique. Il faudrait déjà avoir commencé. Parce que personnellement, pour l’instant, je ne vois pas qu’on ait commencé. Mais imaginons que demain on lance les grands projets de barrages hydrauliques tels que Sahofika et Volobe, qu’on incite les investissements dans l’énergie. Peut-être que dans 15-20 ans, on pourrait être industrialisé et ce, sur des énergies propres. Mais pour l’instant, cela est impossible à répondre vue que je ne sens même pas qu’on avance radicalement dans cette direction.

Oui, il y a des projets, mais c’est toujours en silo. Et ce ne sont pas des projets qui nous permettront vraiment de nous industrialiser. Ce sont des projets qui pourront peut-être électrifier certains villages afin de les permettre d’avoir les besoins de base. Mais nous, notre génération, ce qu’on veut, c’est de pouvoir produire, de pouvoir développer et produire à grande échelle. Et là, pour l’instant, il n’y a que le fuel qui nous permette de le faire.

Karina Zarazafy

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