Reportage – La révolution «clean cooking» mise à feu

Madagascar a franchi un cap historique dans sa transition énergétique avec le lancement officiel de la politique nationale de cuisson propre, marquant un engagement fort pour réduire la dépendance aux énergies polluantes dans les foyers malgaches.

« La mise en place de l’association Madagascar Clean Cooking Initiative a été très attendue pour promouvoir et démocratiser la cuisson propre à Madagascar. Des enjeux de santé publique, de préservation de nos forêts, d’accès à une énergie propre et abordable, mais aussi et surtout d’opportunités économiques pour nos entreprises et nos territoires », a dressé comme défis Dr Vahinala Baomiavotse Raharinirina, l’ancienne ministre de l’Environnement et du Développement Durable.

Le lancement de l’association Madagascar Clean Cooking Initiative (MCCI) est un événement majeur dans ce secteur stratégique qui s’est tenu à l’hôtel Carlton d’Anosy les 22 et 23 août 2024. Il a réuni les principaux acteurs du secteur énergétique, les représentants du gouvernement, des partenaires internationaux ainsi que des entreprises du secteur privé. Ensemble, ils ont signé une convention pour promouvoir l’utilisation d’énergies renouvelables dans la cuisine domestique.

Dépendance

Selon l’Institut National de la Statistique (INSTAT), dans le cadre de l’Enquête périodique auprès des ménages 2021-2022 (EPM), l’utilisation du bois de chauffage reste prédominante dans les foyers malgaches. Le charbon malgache est davantage consommé en milieu urbain, notamment dans la région d’Analamanga. À ce jour, plus de 95 % des ménages malgaches utilisent encore des ressources naturelles comme le bois de chauffage et le charbon de bois pour cuisiner.

Cette pratique, si courante, est l’une des principales causes de la déforestation rapide à Madagascar. Elle met en péril les forêts et les ressources en eau du pays. Chaque année, 90 000 hectares de forêts sont défrichés, 75 % des gaz toxiques émis proviennent de l’utilisation du charbon et du bois de chauffage et 16 000 personnes meurent à cause de la mauvaise qualité de l’air. De plus, l’impact sur la santé est considérable, avec une augmentation des maladies respiratoires liées à la mauvaise qualité de l’air dans les habitations.

Les fumées dégagées par l’utilisation du charbon et du bois de chauffage affectent principalement les femmes et les enfants, entraînant des maladies respiratoires.

Un cadre pour la politique de cuisson propre

Face à cette urgence écologique et sanitaire, la politique de cuisson propre vise à encourager les Malgaches à adopter des solutions énergétiques alternatives. Le lancement de l’association Madagascar Clean Cooking Initiative (MCCI), qui regroupe plus de 50 entreprises privées, illustre la volonté du secteur privé et des institutions de s’impliquer activement dans cette révolution énergétique. Lors de cet événement, une convention quadripartite a été signée entre le ministère de l’Énergie et des Hydrocarbures (MEH), le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD), le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Consommation (MIC) et l’association Madagascar Clean Cooking Initiative, qui jouera un rôle clé dans la diffusion de ces solutions à travers le territoire.

Le programme One District, One Factory (ODOF) représente un exemple de synergie entre industrie et énergie propre. Le MIC a affirmé son soutien à cette approche, qui vise à intégrer les technologies de cuisson moderne dans les projets industriels locaux, contribuant ainsi à la réduction des émissions de carbone. « Le projet de cuisson propre est essentiel non seulement pour notre environnement, mais aussi pour soutenir des technologies de cuisson modernes et durables à travers tout le pays », a souligné Vahinisoa Rasamoely, secrétaire général du MIC.

Enjeu national majeur

Ce lancement intervient après le début des travaux d’élaboration de la  politique nationale de développement de la cuisson propre à Madagascar, le 4 octobre dernier, attendu depuis longtemps. Cette collaboration vise à faire de la cuisson propre un enjeu national majeur, aligné sur les politiques de protection de l’environnement, de promotion de l’emploi vert, et de la santé publique. Au-delà de l’enjeu environnemental, cette initiative s’inscrit également dans une démarche de santé publique. 

 « La cuisson propre est une question de santé autant que d’énergie, et elle est essentielle pour améliorer la qualité de vie des familles malgaches », a déclaré le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à Madagascar lors de l’événement.

Les deux jours de concertation revêtent une étape majeure dans la promotion des solutions de cuisson propre, au bénéfice de l’environnement et de la santé publique. « Je suis extrêmement heureuse de voir enfin ce long chemin aboutir à la création du MCCI. Ce processus, que nous avons démarré ensemble en 2020, a mobilisé plusieurs départements ministériels, des partenaires techniques et financiers et le secteur privé », s’est réjouie Dr Vahinala Baomiavotse Raharinirina qui pris la présidence d’une session dédiée aux défis et opportunités du Clean Cooking, soulignant l’importance de cette initiative pour la santé publique et l’environnement. « Il est essentiel d’agir maintenant pour garantir un avenir durable pour nos enfants », a-t-elle ajouté.

Une collaboration décisive

La mise en œuvre de cette politique est soutenue par plusieurs partenaires techniques et financiers internationaux, l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le PNUD, et l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI). 

Ces partenaires vont accompagner la Grande île dans la construction de structures capables de répondre aux besoins énergétiques des ménages tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles. La transition vers des technologies de cuisson propres est l’un des défis majeurs pour Madagascar. Alors que le pays s’efforce de respecter ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique, cette initiative symbolise une volonté de transformation durable. 

Si elle est bien menée, la révolution clean cooking pourrait non seulement freiner la déforestation, mais aussi améliorer les conditions de vie de millions de Malgaches. L’objectif est clair : réduire de manière significative la dépendance aux énergies fossiles et traditionnelles d’ici 2030.

Solutions innovantes

Madagascar Clean Cooking Initiative met en avant plusieurs secteurs innovants pour transformer les pratiques de cuisson à Madagascar. Parmi celles-ci, des options comme l’éthanol, les cuiseurs solaires, le biogaz, et le charbon écologique sont promues comme des moyens non seulement de protéger l’environnement, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des foyers.

Marie-Louise Schmidt, Présidente de la MCCI et Directrice de Biokasikara Energy SARL a souligné qu’« investir dans les solutions de cuisson propre, c’est non seulement protéger l’environnement, mais aussi renforcer l’économie locale en créant des opportunités pour les entrepreneurs à Madagascar ».  L’un des objectifs de cette initiative est d’élargir l’utilisation de ces méthodes de cuisson à l’échelle nationale. Un concours sera bientôt lancé pour soutenir des projets liés à la cuisine à énergie propre, offrant une formation et une aide financière de 60 000 dollars aux initiatives prometteuses.

Aina Andrianomenjanahary, Andy Soa, Dina Ratsimba et Tsanta Idealisoa

(stagiaires de la rédaction dans le cadre de la formation Jeunes Reporters Francophones)

📸 © PNUD Madagascar


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La rédaction Bleen

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