Grand reportage – Antananarivo: eau secours !

15 septembre - 17 octobre. En un mois et quelques jours, le Gouvernement s'est mobilisé et a mobilisé les partenaires techniques et financiers du pays afin de trouver des solutions aux problématiques de l'eau dans la capitale malgache.

Le soutien de la Banque Mondiale est significatif dans cette entreprise qui est d’en finir une bonne fois pour toute avec cette crise, à travers l’accélération de la mise en oeuvre du Projet d’Amélioration de l’Accès à l’Eau Potable (PAAEP) d’un montant de 220 millions de dollars signé par le Président de la République et l’ancienne directrice des opérations de la Banque Mondiale pour Madagascar, Marie Chantal Uwanyiligira au Palais d’Etat d’Iavoloha, le 17 juin 2022.

Ambiance électrique

Dans la soirée du lundi 21 octobre 2024 et en plein délestage, l’ambiance était électrique du côté du quartier d’Ambohipo. Des groupes d’individus sont descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement face aux coupures intempestives d’eau et d’électricité. Les échauffourées avec les forces de l’ordre se sont soldées par l’arrestation d’une dizaine de personnes du côté des manifestants et des blessures dans la partie forces de l’ordre.

Cette manifestation de colère chez les tananariviens et d’autres régions de l’île vis-à-vis de la situation d’approvisionnement en eau et électricité n’en est pas à son premier cas. «Comme cela a toujours été évoqué, le problème de l’eau n’est pas nouveau à Madagascar », soutient Lalaina Andrianamelasoa, ministre de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène. Ces propos résument bien la situation qui prévaut dans le pays depuis des années. Pour la capitale, par exemple, les soucis, ne serait-ce que pour le compte de l’année 2024 ont commencé bien avant la période d’étiage. Des quartiers d’Antananarivo ont manifesté leur ras-le-bol depuis le mois de mars dernier.

Usine

La situation était telle que la pénurie d’eau dans la Ville des Mille est devenue une affaire nationale. Conséquence, en un mois, des solutions, attendues depuis des années, sont sorties. Des centaines de bonbonnes ont été mises en place dans les quartiers et approvisionnées par une vingtaine de camions-citernes. Un centre de commandement opérationnel coordonne toutes les actions.

Telle est la solution à court-terme adoptée afin de pallier les problématiques inhérentes au réseau de distribution. La construction d’une usine de production d’eau est, quant à elle, la solution à long terme. A cela s’ajoute la modernisation du réseau de distribution, si l’on s’en tient aux explications du ministre. En terme de vitesse de mise en œuvre desdites solutions, le régime actuel semble honorer le nom TGV. Les prises de décisions s’enchaînent.

Le gouvernement est au chevet de la population tananarivienne, tel était le message. Hasard du calendrier ? Quoi qu’il en soit, les faits sont là, les solutions à court-terme commencent à porter leurs fruits. Le Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et l’Hygiène révèle une hausse en matière de capacité de distribution qui est allée de 200 à 1 000 mètre3 par jour. Si les problématiques de l’eau datent de plusieurs années et que des solutions faisables et viables existent, une question persiste toutefois, pourquoi avoir attendu ce mois d’octobre pour agir ?

A la rescousse

La participation des partenaires du pays n’est pas négligeable dans cette avancée majeure. L’on entend par là la mise en œuvre du PAAEP, financé à hauteur de 220 millions de dollars par la Banque Mondiale. Signé entre l’ancienne représentante de la Banque Mondiale à Madagascar, Marie Chantal Uwanyiligira et le Président de la République Andry Rajoelina, ce projet vise à «accroître l’accès à l’eau dans la zone du Grand Antananarivo et dans certaines villes secondaires et à améliorer les performances de la compagnie d’eau et d’électricité (JIRAMA).»

Un premier décaissement a été effectué tandis que le projet en soit «soutiendra le plan d’amélioration de la gouvernance de la JIRAMA, car ces lourds investissements urbains ne peuvent porter leurs fruits que si le programme de réforme visant à améliorer la viabilité financière de la JIRAMA est mis en œuvre» a noté Marie Chantal Uwanyiligra, le 17 juin 2022. Le projet cherche ainsi à améliorer et sécuriser la production d’eau dans le Grand Antananarivo en soutenant la JIRAMA pour répondre au déficit croissant de production face à l’augmentation de la demande.

Concrètement, la production d’eau du Grand Antananarivo sera augmentée de 40 800 m3 par jour (soit une augmentation de 20 %) et les pertes d’eau seront réduites grâce à un programme de renouvellement du réseau de distribution. « Les problématiques relatives à la production et à la distribution de l’eau doivent être traitées ensemble. Que cela soit à court, à moyen ou à long terme », a soutenu le ministre de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène. Les avalanches de mesures prises actuellement seraient ainsi des actions et initiatives entreprises dans le cadre de ce projet signé en 2022. Il conviendrait de préciser que le même projet ne concerne pas uniquement la capitale. Les villes dites secondaires que sont Antsiranana, Mahajanga, Antsirabe Manakara et Fianarantsoa sont également concernées.

Un problème et des annonces

La forte mobilisation de ces dernières semaines fait comprendre une chose : quand le gouvernement veut résoudre un problème sociétal, il le peut et il s’en donne les moyens. La pénurie d’eau ne date pas d’hier et des solutions ont été toujours annoncées depuis des années comme devant la résoudre une bonne fois pour toute. L’on peut citer l’exemple du projet Jirama Water III.

Financé par l’Union Européenne et entamé en 2020, ce projet «consiste à la mise en place d’un nouveau site de production d’eau à Ambotrimanjaka, Ankadindratombo, Faralaza Talatamaty, la rénovation des réseaux de distribution en eau de 78 kilomètres et l’installation d’un nouveau réseau de 105 kilomètres.» Toujours en 2020, la Jirama s’est lancée dans un projet de remplacement de la tuyauterie dans la ville d’Antananarivo. On avait annoncé le recours à une nouvelle technique moins coûteuse et nécessitant moins de travaux. 90 km de conduites fuyardes devaient être remplacées et une société sud-africaine avait été sélectionnée pour entreprendre les travaux selon les communications relayées par la presse locale.

Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, le pouvoir exécutif a annoncé le projet de construction de 35 forages afin de booster la capacité de production actuellement lacunaire. Dans sa projection, le gouvernement a fait la répartition suivante : 7 seront installés à Antananarivo-ville, 14 dans l’Atsimondrano, 7 dans l’Avaradrano et 7 à Ambohidratrimo. D’autres mesures comme la mise en place de stations de traitement d’eau s’ajoutent à toutes ces initiatives. A tous ces projets et annonces, il y a également eu la mise en place de stations de traitement dans quelques points clés de la capitale avec le même discours : résoudre le problème d’approvisionnement en eau à Antananarivo. Le fait est que la situation persiste. Antananarivo a soif et continue, par diverses façons, son appel «eau secours.»

José Belalahy

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