Cuisson propre : Madagascar veut renverser la vapeur

La cuisson est souvent un ensemble de casse-têtes : économique, pour les ménages, écologique pour le pays, sociétal pour les communautés. La demande de combustibles biomasse est de loin supérieure aux possibilités d’une offre durable. Pour Madagascar, elle entraîne un déboisement massif, une dégradation des sols et des problèmes de désertification, sans oublier les impacts sur la santé. Le pays veut se doter d’une politique nationale de développement de la cuisson propre.

« 95% des foyers malgaches utilisent encore les biomasses pour la cuisson. Ce sont principalement des bois et des charbons de bois issus de nos forêts. Et nous savons les pressions sur ces dernières ». D’emblée, Olivier Jean-Baptiste, le ministre de l’Energie et des Hydrocarbures, a planté le décor. Madagascar accuse un grand retard dans le développement de la cuisson propre. Les conséquences sur l’environnement sont importantes.

Lourd tribut

Les statistiques de 2022 indiquent que seulement 35,1% des Malgaches ont accès à l’électricité avec des disparités entre les zones urbaines (60%) et rurales (15,1%). Or la question de l’énergie ne concerne pas uniquement l’éclairage mais les usages comme la cuisson. Près de 95% des foyers malgaches utilisent encore les combustibles biomasse pour la cuisson : le bois et le charbon de bois notamment sans oublier les déjections animales et les résidus agricoles.

Les couvertures forestières payent un lourd tribut de cet usage avec quelque 90 000 ha de forêts détruits au cours des dix dernières années. L’accroissement de la population contribue grandement à cette pression excessive. Malgré les efforts considérables consacrés aux énergies de substitution et à l’électrification, le nombre de personnes dépendant de la biomasse énergie continue d’augmenter dans la Grande île. Les combustibles biomasse sont essentiellement brûlés dans des foyers traditionnels ou des feux ouverts inefficients. Sur le plan de la santé, la fumée s’échappant des feux ouverts et des foyers traditionnels est extrêmement nocive pour les femmes et les enfants notamment.

Impacts néfastes

Ainsi, les femmes, les enfants et les populations marginalisées sont touchés de manière disproportionnée par le manque d’énergie propre, avec une participation de moins de 10% des femmes dans le sous-secteur. Les impacts néfastes du non-accès à l’énergie propre affectent non seulement l’environnement, mais également la santé et l’économie des ménages. « La qualité de l’environnement impacte directement celle de notre quotidien. Nous pouvons voir que le faible débit de l’eau entraîne une incidence sur la centrale d’Andekaleka et est à l’origine du déficit énergétique actuel. La destruction des forêts est liée aussi bien à l’agriculture qu’au mode de cuisson. Il faut rapidement trouver des alternatives », incite Max Andonirina Fontaine, ministre de l’Environnement et du développement durable.

La Grande île veut renverser la vapeur. La volonté du gouvernement est d’« inverser la tendance pour asseoir un cadre légal et réglementaire pour le développement de solutions de cuisson propre, plus durables, plus efficaces ». Ainsi, un pas décisif vers la transition énergétique de Madagascar vient d’être franchi. Les travaux d’élaboration de la lettre de politique pour le développement de la cuisson propre ont été officiellement lancés, le 4 octobre 2024.

Les acteurs clés du secteur, du gouvernement aux communautés locales, en passant par le secteur privé, les organisations de la société civile et les partenaires au développement se sont réunis pour discuter et partager leur point de vue sur cette politique qui doit être transversale. « Il est essentiel d’accompagner Madagascar dans cette transition. Le lancement de cette initiative est important dans la réalisation de trois axes-clés : combler les inégalités d’accès à l’énergie, accélérer la transition énergétique et renforcer la résilience du secteur face aux crises et aux fragilités. Il s’agit également de sauvegarder le patrimoine naturel unique de Madagascar », souligne Dr Edward A. Christow, le Représentant résident du PNUD à Madagascar. L’organisme onusien accompagne la Grande île dans cette démarche.

Mise à l’échelle

Les initiatives existent, notamment du côté du secteur privé et des associations. A l’image de l’ONG ADES qui diffuse des cuiseurs économes en énergie en accompagnant des actions de sensibilisation de la population et de reboisement. Elle a réussi à écouler des millions de ces foyers améliorés au sein des ménages malgaches. Mais d’autres alternatives peuvent être utilisées : le solaire, le biogaz, le GPL, les charbons écologiques qui améliorent sensiblement le rendement énergétique. Mais il faut encadrer l’ensemble et surtout mettre à l’échelle ces initiatives. Car c’est ce qui manque pour le moment.

« Nous nous devons d’accélérer les investissements dans les énergies propres pour tous, et répondre à l’ambition climatique en Afrique. Notre pays doit impérativement se tourner vers un mode de cuisson propre, durable et accessible », a souligné le Ministre de l’Energie et des Hydrocarbures. A terme, les consultations et les travaux devraient donc aboutir à l’élaboration de la politique nationale de développement de la cuisson propre à Madagascar.


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Raoto Andriamanambe

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