David William Ashley : « Il est impossible de protéger la biodiversité sans l’implication de la population »

Pour David William Ashley, Ambassadeur du Royaume-Uni pour Madagascar et les Comores, il est donc primordial que Madagascar ait accès aux fonds climatiques pour s’adapter aux effets, se préparer et se développer.

L’environnement et le changement climatique font partie des programmes phares de la relation malgacho-britannique. Une relation qui dure et qui entend se renforcer via des coopérations dans d’autres domaines. Sur le plan de la conservation, des efforts ont été menés par la Grande Île. Force est toutefois de constater que les pertes se sont également accrues faisant du pays un hotspot de la biodiversité. David William Ashley, Ambassadeur du Royaume-Uni pour Madagascar et les Comores a accepté de nous faire part des engagements de son pays sur la question environnementale dans la Grande île.

BLEEN : Pourquoi le Royaume-Uni investit beaucoup dans la conservation de la biodiversité unique de Madagascar. Qu’est-ce qui suscite cet intérêt ?

David William Ashley (D.W.A.) : Je pense que cet intérêt date de très longtemps. Le Duc d’Edinburgh a visité Madagascar en 1985. Le Kew Gardens, notre premier jardin botanique, est présent à Madagascar depuis 1950. D’autres organisations et individus britanniques ont dévoué leurs efforts et consacré leur vie dans la conservation de la biodiversité de Madagascar.

En fait, notre approche est très simple. Madagascar détient 5% de la biodiversité du monde. Il recèle des milliers d’espèces endémiques. Donc, si on ne les protège pas, ils vont disparaitre à jamais. Cette biodiversité est le produit de l’évolution indépendante de cette île depuis 88 millions d’années. C’est quelque chose de très précieux, pas seulement pour les Malgaches, mais particulièrement pour le monde entier. C’est pourquoi, pendant ces vingt, trente ans, le Royaume-Uni, avec d’autres partenaires, ont soutenu les Malgaches dans la protection de cette biodiversité.

Nous avons plus d’une vingtaine de projets dans le secteur. Cette relation axée sur la conservation est précieuse. Et je pense qu’il est impossible de protéger la biodiversité sans l’implication de la population malgache. L’environnement et le développement durable doivent aller tous les deux dans le même sens.

BLEEN : Vous vous investissez beaucoup dans ce domaine, à titre personnel. Vous pourrez nous en donner les raisons ? 

D.W.A. : Parce que j’aime la nature. Je pense que c’est une des particularités de Madagascar. Même dans mon jardin, on peut voir des choses qui n’existent nulle part ailleurs.

En tant qu’ambassadeur, une partie de notre rôle est de célébrer les choses les plus spéciales du pays hôte. A Madagascar, vous en avez beaucoup et pas forcément que la nature. Vous avez la danse, la langue, etc. Oui, Madagascar a beaucoup de problèmes comme tous les autres pays mais il y a beaucoup de choses spéciales aussi.

BLEEN : Compte tenu de la situation qui prévaut dans la Grande île, comment trouvez-vous la politique environnementale de Madagascar ?

D.W.A. : Il y a beaucoup de progrès. Par exemple, nous avons plus de cent aires protégées et parcs nationaux gérés par des organismes comme la Fondation pour la Biodiversité et les Aires Protégées de Madagascar (FAPBM) ou le MNP (Madagascar National Parks). Vous avez aussi une génération de spécialistes malgaches qui mènent la lutte pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique. Donc, les efforts ont eu les résultats attendus mais des défis restent à relever. Ce, dans la mesure où il est beaucoup plus facile de détruire une forêt que de replanter. Il faut entre vingt à trente ans pour restaurer une forêt mais on peut la détruire en quelques jours.

Le deuxième problème est la croissance démographique et la pauvreté. Par exemple, 98% de la population malgaches utilisent toujours le charbon de bois pour la cuisson. Dans ce cas, il est très difficile de protéger les forêts ou les zones humides. C’est pour cette raison que la conservation est un défi assez lourd. Mais on doit le faire.

Madagascar est victime du réchauffement climatique. Les impacts sont déjà significatifs et seront plus importants dans l’avenir. Il est donc primordial que la Grande île ait accès aux fonds climatiques pour s’adapter aux effet, pour se préparer et pour se développer. Je pense que ce problème de la conservation n’est pas seulement lié à la pauvreté. Parce que dans d’autres pays, le développement peut aussi détruire. Il est donc nécessaire d’avoir un développement respectueux de l’environnement.

BLEEN : Vous avez mentionnez les efforts menés dont la mise en place de différents mécanismes et divers outils de protection de l’environnement. L’on constate également que la dégradation a augmenté de façon effrénée, les pertes sont colossales, beaucoup d’espèces faunistiques et floristiques du pays ont disparu, d’autres sont menacées d’extinction. Selon vous, comment peut-on expliquer cette situation ?  

D.W.A. : Je pense qu’il est beaucoup plus facile de détruire que de protéger et construire. Les efforts de reforestation sont importants. Mais ils ne peuvent pas remplacer les forêts. Le reboisement est important, certes, mais le plus important est de savoir où, comment, quelles espèces et quand reboiser. Il faut considérer les espèces, les zones où l’on doit les reboiser.

Deuxième chose, il faut l’implication de la population. Normalement, les zones protégées se situent dans des zones très difficiles d’accès. Cette difficulté veut dire que la population de ces zones a beaucoup de besoins. Et ce, pas seulement d’agriculture mais de santé, d’éducation etc. Il est nécessaire d’offrir des alternatives à cette population pour l’empêcher de dépendre uniquement des forêts. C’est la raison qui fait qu’il est difficile de conserver la biodiversité. Et le défi est qu’il faut impérativement faire tout en même temps. Vous voyez : les routes, l’agriculture résiliente, le planning familial, l’amélioration de l’éducation et de la santé. Tous ces éléments sont essentiels pour avoir le développement et une conservation de la biodiversité.

BLEEN : Selon vous, quelles sont les perspectives dans la relation bilatérale entre Madagascar et le Royaume-Uni ?

D.W.A. : J’espère qu’elle va s’intensifier. Je pense à la langue anglaise. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise mais c’est une réalité : la langue anglaise est nécessaire dans le monde actuel. Donc, on va essayer de soutenir l’enseignement de la langue anglaise. J’espère que Madagascar pourrait avoir une voix plus forte dans le monde. Vous n’êtes pas un petit pays. Vous avez une population de 30 millions d’habitants.

Vous avez le droit et la possibilité d’avoir une influence positive dans le monde sur des questions telles que le changement climatique ou la biodiversité. Je pense que la chose la plus importante est cette amitié entre nos deux pays. Nous avons notre histoire fruit de l’héritage des missionnaires britanniques du XIXème siècle. Nous pouvons voir les résultats de ces efforts. Et c’est à nous d’écrire une autre histoire sur la relation bilatérale.

José Belalahy

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

S'abonner à notre newsletter